Pourquoi gravir le Sangay ?

Le Sangay est un fougueux volcan situé au milieu du Parc National du même nom, à environ 200 km au sud de Quito, Equateur. Immense réserve abritant un nombre incalculable de richesses naturelles, le parc s’étend sur près de 570 km². L’espèce protégée la plus célèbre est sans doute le tapir qui orne l’emblème du parc. Plusieurs volcans sont dans les limites du parc national : le Tungurahua (5016 m) dans la partie nord, El Altar (5319 m) dans la partie ouest ainsi que le Sangay (5230 m) un peu plus au sud que ce dernier.

Le Tungurahua est sans aucun doute le plus connu d’entre eux. Il est d’un accès facile puisqu’il domine la ville thermale de Baños. Beaucoup d’agences d’ailleurs se proposent de vous organiser l’ascension pour quelques dizaines de dollars us. C’est une très jolie course que je qualifierais de ballade de haute montagne. Dans l’optique de gravir d’autres volcans plus haut comme le Chimborazo (6310 m) ou le Cotopaxi (5911 m), c’est un excellent exercice d’acclimatation. Ne représentant aucune difficulté technique majeure, le sommet devrait, si le temps est clément-ce qui est malheureusement assez rare - livrer un des 360° les plus saisissants de la planète puisqu’on peut y admirer la plupart des volcans équatoriens. Nous avons eu la chance de distinguer Los Altares, le Chimborazo, le Cotopaxi, l'Iliniza et bien sûr, le Sangay !

Los Altares paraît être un immense volcan dont le cratère démesurément grand se serait fendu à la suite d’une gigantesque explosion. Vu du Tungurahua, cela ressemble à une immense chaîne de montagnes. Son accès est beaucoup plus difficile et la grande quantité de glace que son sommet retient interdit son ascension à quiconque qui ne jouit pas d’une bonne expérience de la montagne.

Le Sangay a un air de famille avec le Tungurahua ou le Cotopaxi. Comme eux, il a cette forme conique et bien régulière. Mais les points communs s’arrêtent là. La première grande différence concerne l’activité du volcan. Les deux premiers sommeillent ; ne demeure qu'une activité géothermique réduite. Il y a juste quelques trous où s'échappe de la vapeur près du sommet du Tungurahua. Le Sangay par contre est un volcan turbulent. Loin d’atteindre les proportions décrites dans les rapports vieux de cinq ans, l’activité volcanique du Sangay est tout à fait impressionnante. Vous qui n’avez encore jamais entendu une montagne hurler ou vu un cratère cracher d’impressionnants panaches de fumée, réjouissez-vous car c’est le genre de spectacle que le Sangay vous propose plusieurs fois par jour.

Se sentir si proche des entrailles de la terre est une expérience inoubliable. Et depuis quelques années maintenant, le volcan est toujours menaçant, rarement dangereux. Les rapports que nous avions en notre possession faisaient état de manifestations volcaniques si intenses par le passé qu'il fallait beaucoup de chance et un brin de folie pour réussir le sommet. "Le volcan crachait des blocs gros comme des voitures" ou "Nous vous conseillons de vous munir d'un casque et d'un bouclier pour gravir le sommet" sont les informations les plus éloquentes que nous avons lues à ce propos ! Désolé pour ces personnes à tendance suicidaire, cette époque est semble-t-il révolue. Le Sangay est aujourd'hui plus sage. Il n'empêche qu'il faut rester vigilant car si le géant décidait de se réveiller alors que vous lui chatouillez le dos, vous risqueriez bien d'allonger la liste de ses victimes.

La deuxième grande différence concerne l'accès au volcan. Au Tungurahua ou au Cotopaxi, un véhicule peut vous emmener très haut sur les flancs de la montagne. Au Sangay, rien de cela puisque le pied du volcan est à trois jours de marche du plus proche village, Alao. A vol d'oiseau et en ligne droite, cela représente 21 km environ. Si l'on considère les courbes empruntées par le chemin, 35 km est un chiffre plus proche de la réalité. Autrement dit, le Sangay se mérite ! N'y va que celui qui est prêt à endurer six à neuf jours de marche dans des conditions particulières sur lesquelles je reviendrais plus tard.

L'attrait du Sangay tient dans le mystère qui l'entoure. Très peu de photographies sont disponibles contrairement à tous les autres sommets équatoriens. De plus, il est très souvent caché par des brumes qui l'entourent. Il se peut donc que vous l'entendiez avant que vous ne le voyiez. Et lorsque soudain il vous apparaîtra pour la première fois, vous risquerez à votre tour d'être subjugué par le spectacle du volcan dominant la jungle de toute sa grandeur. La régularité des formes et la blancheur de la neige sommitale accentue l'impression de force qu'il dégage.

L’attrait du Sangay est un mélange de danger, d'inédit - seule une septentaine (70) de personnes par année gravirait le Sangay - et d'aventure. Si vous aimez ces ingrédients et que vous ne rechignez pas à l'effort, alors le Sangay est pour vous.

 

Quand y aller ?

Il est théoriquement possible de gravir le Sangay toute l'année. Théoriquement car l'accès au Sangay est tributaire du temps. Juin-juillet-août est la période la moins propice. Il y a tant de précipitations durant ces mois que la marche d'approche est une véritable opération commando. Disons que si vous avez fait la guerre du Viêt-nam ou que vous sortez fraîchement du centre de formation de la Légion Etrangère en Guyane, alors pas de problème ! Une grande partie du chemin est une infâme succession de trous remplis de boue. Beaucoup de pièges de la sorte vous attendent le long de ces sentiers. Ce sont en fait les mammifères présents dans le parc qui sont responsables du piteux état des chemins : leurs sabots défoncent le mince tissu végétale qui recouvre le sol gorgé d'eau et ces véritables pièges de boue apparaissent. Choisir la meilleure période est pour cette raison vivement conseillé. Les mois de décembre à février correspondent à l'époque la plus sèche et donc la plus recommandable de l'année. Si par contre le phénomène du Niño devait durer, il serait sage de se renseigner sur son influence qui peut être bonne ou mauvaise dans la région. Mais attention, El Niño accentue encore la formidable incertitude que les Equatoriens ont à propos du temps !

 

Comment y aller ?

De Quito, il faut prendre la route qui passe par Saquisili-Ambato-Baños-Riobamba. Le plus simple est de monter dans un bus qui va à Baños - 4 heures, 2.20 $US. De là, un autre bus vous conduira à Riobamba -1 heure, 0.80 $US. Notez que Baños est bien plus sympathique que Riobamba et que l'on y trouve plus de choix dans les commerces.

Il y a ensuite plusieurs façons d'organiser un transport jusqu'à Alao. Pour ceux qui ont beaucoup d'argent mais peu de temps, prenez un taxi - deux heures, environ 20 $US.. Les autres, rendez-vous sur le "Parque Libertad" , le mercredi, vendredi ou samedi vers 1100 – 1200. Il y a un service de bus qui relie Riobamba à Alao ces jours-là - quatre heures, 1.20 $US. Si il ne pleut pas, il est conseillé de voyager sur le toit. La vallée qui mène à Alao est très pittoresque. De plus, en voyageant sur vos sacs, vous éviterez de vous faire voler vos lampes frontales comme ça nous est arrivé ! Il y a une troisième solution qui consiste à prendre un camion de lait vers 0400 - 0500 du matin en face de l’université de Riobamba !

Pour le logement à Alao, pas de problème. Les bureaux de l’INEFAN - l'organisation qui s'occupe de la gestion du parc - à l’extrème-est du village peuvent vous accueillir moyennant une petite somme soit environ 1.20 $US par personne et par nuit. Il y a la possibilité de cuisiner et même de se laver. Prendre le bus du samedi est une bonne idée car les bureaux sont vides le week-end. Vous serez donc plus à l’aise pour passer un ou deux jours dans cette bourgade quelque peu sordide.

Le dimanche, vous ne devriez pas le passer à invoquer la clémence du Créateur pour faire briller le soleil mais bien à chercher un guide qui connaît le chemin du volcan. Il y a à Alao une compagnie de guides qui regroupe une trentaine de personnes capables de vous enseigner le chemin jusqu'à la base du volcan. Trois d’entre eux seulement peuvent vous guider jusqu’au sommet. Il s’agit de son président, Roberto Caz Quillay, et de ses deux neveux, Carlos Caz Quillay et Agostino Baño. Roberto est un honnête homme d’une quarantaine d’année qui pourrait retrouver le chemin du volcan les yeux bandés puisqu’il a gravi le Sangay pour la trente-neuvième fois avec nous et qu’il a atteint le camp de base appelé "La Playa" une bonne centaine de fois! Discret et serviable, sa mémoire est pleine d'anecdotes incroyables à propos du volcan. Il est sans aucun doute le meilleur guide d'Alao en regard de sa longue expérience. Il vit de l'autre côté du Rio Alao, sur la rive gauche, la partie ouest du village. Si il n'y a pas de travaux pressants aux champs, Roberto peut être prêt assez rapidement. Très professionnel, il vous fera signer un contrat qui rappelle les quelques règles élémentaires à respecter quand on pénètre dans le parc. Il est notamment stipulé qu'il est interdit de chasser quelconque animal du parc, le tapir en particulier. Son tarif était de 10 $US par jour et ce pour tout le groupe. Un minimum de six jours est à payer, plus, bien entendu, sa nourriture.

 

Quel équipement avec soi ?

Je vais énumérer, dans un ordre décroissant d'importance, les choses indispensables à la réussite de votre expédition.

Cela peut peut-être vous paraître bizarre, mais la chose la plus importante à prendre est une bonne paire de botte en caoutchouc. C'est la Rolls des chemins boueux, la seule chaussure capable de résister à un terrain si détrempé. Ce n'est évidemment peut-être pas la plus agréable à porter mais vous n'avez pas le choix. Un bon truc pour éviter de terminer la virée avec les mollets râpés jusqu'au sang consiste à porter un collant à l'intérieur. Le pantalon, lui, recouvre la botte et évite la boue d'y pénétrer.

Un large poncho contre la pluie est aussi indispensable. Les modèles suffisamment larges pour couvrir également le sac sont les plus pratiques. Veillez à ce que le tissu du poncho soit de qualité car vous pourriez regretter amèrement d'avoir essayé d'économiser un peu d'argent sur cet article.

Je suis sûr qu'a ce stade du récit vous devinez comme une sorte d'humidité ambiante et permanente sur le chemin du Sangay ! Bingo, vous avez tout juste ! Pour éviter de passer une semaine avec des habits mouillés ou même humides, il est vivement conseillé de garder avec soi quelques habits de rechange. Il faut préférer le synthétique aux matières naturelles comme le coton. Les t-shirts dits thermos sont ce qu'il y a de meilleur à porter car ils sèchent extrêmement vite. Il faut également protéger ses affaires personnelles dans des sacs en plastique séparés. N’oubliez pas que les nuits sont plutôt fraiches et qu’il faut donc prendre des habits chauds en conséquence. Le jour de l’ascension nécessite également que vous emmeniez une veste capable de vous coupez du vent.

J'en reparlerai quand j'aborderai le problème de la nourriture, mais la présence d'un réchaud performant - le XGK-II de MSR que l'on peut acheter à Quito ou louer à Baños est un bon exemple - de fuel en quantité - 4 litres pour 5 personnes - et d’une grande casserole est indispensable. Vous ne pouvez pas vraiment compter sur le bois pour cuisiner car ce dernier est le plus souvent trop humide pour faire du feu.

Une tente est également vivement conseillée. L’idéal est de posséder ou de louer des tentes de grandeur moyenne (2-3 places) car il n’y a pas de grandes surfaces pour les poser. Tâchez également de trouver des modèles légers. Comme vous avez la possibilité de dormir dans une chosas, un genre de grande hutte faite de paille, vous n’aurez besoin de celles-ci que pour un soir, la deuxième nuit à Yanayaku. Porter plusieurs jours durant une tente encombrante et lourde risque de vous agacer à la longue... En tout cas, ne comptez pas trop sur les tentes de Roberto : ce sont des épaves que d'anciens clients lui ont laissé et ces dernières ont plus de trous que de toile !

Prenez également avec vous une paire de gant. Celle-ci doit être suffisamment solide pour ne pas se déchirer au contact de la roche volcanique ou des herbes coupantes. Il faudra également que les gants vous protègent du froid et de la neige !

Enfin, ne faites pas comme nous : prenez une bonne paire de lunettes de soleil pour vous protéger de l'intense rayonnement qu'il y a sur les pentes enneigées du Sangay. Cet oubli nous a coûté cher : deux d'entre nous ont souffert d'ophtalmie assez aiguë qui nous ont valu un jour de repos forcé. Et croyez-moi, ce genre de désagrément est extrêmement douloureux !

 

Description du parcours

Il n’y a pas qu’un chemin qui mène à La Playa. Il y a deux itinéraires principaux. La première possibilité consiste à prendre une route plus au sud qui passe par Eten-Plaza Pampa-Yanayacu-La Playa. C’est un chemin que je ne connais pas. Mais je sais par contre qu’il a l’avantage d’être plus sec et donc empruntable par des chevaux et des ânes que vous pouvez louer à Eten, une hacienda située à deux heures de 4x4 de Alao. Un certain Manuel Abarca peut vous mettre sur pied une expédition utilisant le transport animal., du moins jusqu’à Yanayacu. Aller au-delà de ce point met en péril la vie des animaux et endommage le chemin déjà dans un piteux état. Sachez également que cet itinéraire est beaucoup plus long que celui que nous avons emprunté.

L’autre chemin passe par Alao-Pampa Culebrillas-Yanayacu-La Playa. Ce parcours nous a pris trois jours à l’aller et deux jours au retour. Voici brièvement ce qui vous attend le long de cette superbe promenade :

a. L’aller

Jour 1 : Alao-Pampa Culebrillas, 8 heures - durée moyenne du parcours incluant des pauses d'une durée raisonnable - 16 km - la distance à vol d'oiseau sur la carte -- + 860 m / - 740 m - dénivelé positif et négatif cumulé. Après une bonne heure à longer presque à plat le Rio Alao, un chemin quitte la route sur la droite. De 3250 m, ce sentier, très boueux dans sa partie initiale et finale, vous emmène jusqu’à un col vers 4050 m. Il faut compter environ quatre heures pour atteindre le col. De là, le chemin ne cesse de descendre jusqu’à Pampa Culebrillas. Il vous faudra encore marcher trois bonnes heures pour dévaler les 700 mètres de dénivelé. Pampa Culebrillas est un grand champ protégé par un grand fossé. Il y a deux chosas qui s’avéreront très confortable si vous prenez la peine de refaire la litière de paille. Notez qu’il faudra tenir compte le premier jour de plusieurs éléments qui ralentiront méchamment votre allure. Vous devrez apprendre à marcher dans la boue, à supporter les bottes, à choisir le meilleur passage... Ajoutez à ça un gros sac très lourd, vous comprendrez pourquoi on ne court pas sur la première étape. Mais si vous avez autant de chance que nous, vous pourrez admirer le volcan le premier jour déjà, depuis le campement. Et si la visibilité n’est pas au rendez-vous, vous vous consolerez en l’entendant mugir !

Jour 2 : Pampa Culebrillas-Yanayacu, 5 heures, 6 km, + 420 m / - 280 m. Alors que tous les rapports en notre possession décrivait une route tortueuse qui s’enfonçait tout droit dans la forêt, traversant pas moins de 14 rivières, nous avons avec Roberto pris un autre chemin plus récent et plus évident. La journée démarre fort avec un chemin qui part sur la droite de la vallée, avalant littéralement le talus jusque vers l’altitude de 3750 m. Comptez deux heures pour atteindre ce point. De là, il n’y a plus vraiment de tracé. Il faut simplement suivre un petit ruisseau qui sera votre cauchemar pendant plus de trois heures. Le campement de Yanayacu est non loin de l’endroit où se rencontrent plusieurs rivières (altitude : 3500 m environ). Contrairement aux deux autres campements, Yanayacu est dépourvu de chosa. Il faut donc que vous emmeniez impérativement une tente pour cette nuit-là. L’autre alternative est de faire Pampa Culebrillas en une journée de marche. Avec un sac encore très lourd cela vous demandera un terrible sacrifice. L’exercice est réservé aux forçats de la route.

Jour 3 : Yanayacu-La Playa, 4 heures et demie, 7 km, + 500 m / - 400 m. C’est le dernier jour où vous chantonnerez l’air bien connu : " Vamos a la playa, oh, oh-oh-oh ! ". Je le parie déjà, l’idée de fouler l’endroit vous comblera de bonheur. Mais avant de prendre possession dudit lieu, il faudra encore que vous irritiez un peu plus vos mollets avec les bottes de jardinier ! Le chemin se faufile entre de très hautes herbes sur le fil d’une grande colline herbeuse. A l’altitude de 3750 m, le chemin oblique brusquement à gauche. Pour ces deux dernières heures de marche de la journée, le chemin prend des allures de montagnes russes : il faut traverser trois rivières qui sont séparées par des talus herbeux. Vous serez, j’en suis sûr, très content d’être accompagné d’un gars comme Roberto pour ne pas vous perdre dans ce labyrinthe naturel ! Ahhhh ! La Playa ! Un grand plat coincé entre deux rivières. Retour au luxe : une somptueuse chosa qui deviendra rapidement votre résidence secondaire a été bâtie pour votre confort ! Cette maison de paille est assez grande pour loger une dizaine de personnes au maximum.

b. Le retour

Jour 7 : La Playa-Pampa Culebrillas, 8 heures et demie, + 680 m / - 920 m. Les sacs devenant de plus en plus légers, il est possible en une grande journée de faire ce qui vous avez pris deux jours à l’aller. Je dois préciser quand même que nous avions bénéficié d’un repos forcé la veille et que le temps avait été très clément ce jour-là, rendant beaucoup plus aisée la remontée du ruisseau après Yanayacu. Raccourcir d’un jour la promenade est donc possible si vous êtes prêts à bien marcher ce jour-là.

Jour 8 : Pampa Culebrillas-Alao, 6 heures 45, + 740 m / - 860 m. Quel plaisir de refaire cette portion avec les sacs si légers. L’appel de la civilisation avec ses femmes et ses cervezas sera une motivation supplémentaire pour ne pas moisir dans le Parc ! Attention toutefois aux brusques changements de temps qui peuvent transformer une paisible rivière en un torrent impétueux ! Impressionnant ! Je parle d’expérience vécue car après la clémence de la veille, les éléments se sont déchaînés le dernier jour, rendant la retraite un peu plus périlleuse et difficile.

Avant de parler de l’ascension proprement dite, il faut que j’aborde un sujet d’une importance capitale, je veux parler de notre carburant : la Bouffe.

 

Le problème des vivres

La quantité de vivres que vous emmènerez avec vous dépend du nombre de jours qui vous sera nécessaire pour faire la boucle. Un programme raisonnable est le suivant : trois jours pour aller, un jour de repos, un jour pour l’ascension et deux jour pour rentrer soit sept jours en tout. Il s’agit d’un horaire normal, sans contretemps dus à une météo capricieuse par exemple. C’est là toute la difficulté : bien évaluer le temps que vous prendra le tour en ne connaissant pas des variables comme la météo ou votre habileté à marcher dans la boue ! Il est cependant probable que vous deviez attendre quelques jours à La Playa pour faire le volcan avec une bonne visibilité. C’est pour cette raison que vous devriez prendre suffisamment de nourriture pour neuf jours. Avec une telle quantité, vous serez normalement tranquille. C’est l’assurance de partir à l’assaut du volcan avec des conditions météorologiques acceptables puisque vous avez la possibilité d’attendre pendant quelques jours s’il le faut le moment propice. Un bon conseil : ne soyez pas avares avec les quantités car vous mangerez comme des ogres. Au retour de l'ascension, nous avons par exemple mangé 1 kilo 800 g de riz à cinq et ce, sans forcer ! Marcher dans la boue avec un gros sac sur le dos n’est pas ce que l’on a inventé de plus fun. Alors si en plus vous mangez mal...

En matière de vivres, nous avons vraiment bien assuré. Voici quelques conseils que je peux vous refiler d’après notre expérience :

Côté horaire, nous avions opté pour la tactique suivante : lever tôt le matin à 0630, déjeuner copieux, départ à 0800, petit en-cas en fin de matinée, arrivée au campement en début d’après-midi, séances d’hydratation (thé, soupe) suivi d’un repas gargantuesque, juste avant que le sommeil nous attrape ma foi assez tôt.

 

L’ascension du volcan

Le point crucial pour réussir l’ascension est le problème des conditions météorologiques. Le but étant bien entendu d’arriver au sommet avec une visibilité acceptable. Dès votre arrivée à Alao, il faut scruter le ciel pour tenter de comprendre les règles qui régissent le temps qu’il fait dans la région.

Le parc national du Sangay est une immense forêt tropicale. Cette abondante végétation dégage beaucoup d’humidité. Il est en fait très rare qu’il ne pleuve pas tout au long d’une journée. En général, le jour se lève sur la forêt noyée dans le brouillard. Puis le soleil dissipe ces brumes matinales. En quelques heures, cette formidable évaporation charge le ciel de nuages qui se déchirent dans l’après-midi midi et arrosent copieusement tout ce qui se trouve en dessous.

Mais cette règle connaît pas mal d’exceptions ! Ce qu’il faut comprendre, c’est le rôle du soleil dans le cycle de l’eau. Sous ces latitudes, l’évaporation est permanente. Elle est moins forte la nuit que le jour mais elle ne s’interrompt pas pour autant. Le soleil a un cycle de 24 heures tandis que celui des averses est un peu plus court. J'entends par là que le cycle du soleil dure 24 heures alors qu'en moyenne il pleut plus d'une fois durant ce même laps de temps.C’est pour cette raison que vous devez tenter d’évaluer dans quelle phase se trouve le cycle de l’évaporation. Gardez à l’esprit qu’il y a à l’est du volcan des dizaines et des dizaines de kilomètres de jungle. Le vent souffle presque tout le temps de là amenant de nouveaux nuages.

Le régime que nous avons constaté pendant plusieurs jours était l’inverse de l’habituel : au lever du jour, l’atmosphère terminait de se charger d’humidité. La visibilité n’était pas idéale le matin et il commençait à pleuvoir vers 1100 déjà. A partir de 1500, le plafond de nuages faisait place à un ciel bleu limpide. Dans un tel cas alors, il est sans doute préférable de ne partir que vers 0900 pour fouler le sommet en milieu d’après-midi. Vous aurez droit alors à un fabuleux panorama que vous aurez bien mérité après avoir marché environs six heures dans la pluie et la neige ! Surtout que vous attendent plus de trois heures de descente et ce à la tombée de la nuit !

L’idéal se profile souvent quand un orage éclate au milieu de la nuit. Plus il est violent et plus vous aurez de chance de rencontrer au matin un ciel limpide car déchargé de toute humidité. La bonne tactique est donc de parti au milieu de la nuit, vers 0100-0200 alors que la pluie n’a pas tout à fait encore cessé. C’est un risque à prendre, mais il peut s’avérer payant.

Quoi qu’il en soit, la météorologie est une science exacte nulle part dans le monde et encore moins en Equateur en période de Niño ! Pour voir quelque chose du sommet il vous faudra au préalable de l’observation et un coup de pouce de dame chance !

Si vous avez la chance de choisir le bon moment pour partir à l’assaut du Sangay, le plus dur aura déjà été réalisé. Le volcan ne comporte aucune difficulté majeure. Certes vous ressentirez les effets de la haute altitude car le sommet est tout de même à 5230 mètres au-dessus de la mer mais à part ça, rien de spécial à signaler. Nous avons longtemps hésité à prendre du matériel technique - piolet, crampons, chaussures de montagne, casque de protection.... Mais après avoir fait le Tungurahua en baskets avec un bâton de bois en guise de piolet, nous nous sommes dits que les conseils des agences d’aventure leur servaient surtout à louer du matériel de montagne. Bien nous en à pris puisque nous avons tous fait le sommet en bottes de caoutchouc et bâton de berger ! Seul Roberto portait un casque de protection, vestige d’une époque où le Sangay crachait fréquemment des projectiles. Un rapport faisait état d’une pente qui oscillait entre 45° et 50°. En réalité, c’est une pente très régulière entre 30° et 35°, jamais plus. L'impression sur le terrain est d'ailleurs confirmée par la carte. Pour les habitués de l’alpinisme et des montagnes en général, il s’agit d’une pente à faible déclivité. Le fait que l’on rencontre de la neige vers 4700 mètres facilite la fin de l’ascension. Cette limite monte et descend. Alors qu'elle est assez basse le matin, elle remonte de plus de 200 mètres d'altitude durant la journée.Et il est plus facile de faire des marches dans la neige que d’avancer dans de la cendre volcanique où bien souvent on avance d’un pas et recule de deux ! En terme d’horaire, comptez 6 bonnes heures pour l’ascension et à peine 3 heures pour la descente.

L’intérêt du sommet du Sangay est inversement proportionnel à la difficulté de l’ascension. Ce n’est pas une grande colline que vous gravirez mais bien un volcan actif. Vous n’aurez pas à vous plaindre de votre taux d’adrénaline. Il y a trois cratères bien définis au sommet. Le premier, celui du sud-ouest est très régulier et mesure approximativement 100 mètres de diamètre. Quand nous sommes passé, il semblait profondément endormi. Le suivant par contre, au nord est de celui-ci était bien réveillé : ses flancs étaient si chauds qu’ils fumaient constamment. Et toutes les heures, dans un fracas impressionnant, il se mettait à cracher gaz et cendres qui s’élevaient brusquement sur plusieurs centaines de mètres. Le sommet est assez agréable car la chaleur dégagée par les cratère fait fondre la neige. Le sol est très chaud par endroit ce qui rend possible une longue attente si vous voulez vivre de près une de ces mini-erruptions. Un moment inoubliable car au son terrifiant - pareil au Dragon de la Montagne dans "Bilbo le Hobbit" - et à l’image inquiétante - de gros panaches de fumée blanche s'échappent avec une grande vélocité - se mêlent les tremblements de la terre. Un de ces moments où vous prendrez conscience de la puissance des événements naturels.

 

Ne partez surtout pas sans guide !

Je veux particulièrement insister sur ce thème 3 raisons : pour votre sécurité, pour pénétrer mieux la culture du pays et pour aider au développement de l’économie dans la vallée, à Alao en particulier.

Un guide est indispensable pour votre propre sécurité. Les chances de vous perdre le deuxième jour déjà sont très grandes. De Pampa Culebrillas à La Playa, il y a très peu de kilomètres à vol d'oiseau. Le relief est par contre très accidenté et la végétation très dense. Toutes les collines se ressemblent et vous empêchent de voir le volcan, votre point de repère. Pour couronner le tout, d'épaisses brumes peuvent s'abattre en quelques minutes, rendant toute orientation impossible pour le néophyte que vous êtes. Pour le guide, pas de problème car eux ont un sixième sens que vous ne possédez pas.

En résumé, vous avez plus de chance de gagner le jackpot au loto que d'atteindre La Playa sans guide. Ce n'est pas les deux amis belges que nous avons rencontrés juste avant notre départ qui vont nous contredire. Après quelques pas dans la forêts, ces derniers se sont logiquement perdus pendant quelques heures, errant entre les hautes herbes et les nombreux ruisseaux. Il nous ont assuré que cette sensation ne fut pas la plus agréable de leur existence.

Il se peut aussi que le mauvais temps s'installe pour de bon, faisant tripler le volume des rivières. Vous serez alors bien contents d'être accompagné de quelqu'un qui connaît les gués ou, au contraire, les passages où il n'est pas nécessaire de traverser les torrents.

Etre accompagné d'un guide, c'est également apprendre à connaître la culture du coin. Pour autant que vous parliez quelques bribes d'espagnol - à moins que vous ne maîtrisiez le Quechua, ce qui m'étonnerait fort - et que vous manifestiez quelque intérêt pour les anecdotes en tout genre, votre guide se révélera une source intarissable de petites histoires sur les animaux et la flore du parc. Le chapitre de la bêtise des touristes est sans doute le plus long et le plus drôle !

Enfin en payant quelques dollars par jour les service d'un guide, vous contribuerez à l'essor économique de la vallée. Ce n'est pas grand chose pour vous et pourtant dix dollars par jour est une somme considérable pour un paysan équatorien. Si vous vous sentez donner plus, n'hésitez pas. Les cadeaux en tout genre sont très appréciés. Un couteau suisse, une lampe frontale ou un réchaud par exemple. Et simplement le fait de leur faire parvenir les photos de l'expédition est un geste qui comblera les indigènes.

Par contre, il faut éviter de trop payer le service du guide. Ce n'est pas bien pour vous et encore moins pour eux. En le faisant, vous déstabiliserez complètement le marché local. Si guider des touristes rapporte dix ou vingt fois plus que de travailler aux champs, vous pouvez facilement vous imaginer le tort que vous ferez à l’économie locale en payant ce service trop cher. Sachez simplement qu'il est tout à fait normal de marchander les prix en Equateur. Nous avons payé 40'000 sucres par jour pour tout le groupe ce qui est tout à fait raisonnable. A cette époque, un dollar US valait environ 4200 sucres au départ et 4360 sucres à l'arrivée !

 

Combien ça coûte ?

Résumons brièvement les dépenses :

Ce total de 920'000 sucres représente environ 220 $ us. Divisé par quatre, cela fait un peu plus de 50 $ soit à peine 7 $ par jour ! Une gestion communiste chinoise, c'est à dire de nombreux participants se partageant tous les frais, est la solution la plus économique !

Quelques autres dépenses sont à signaler :

Baños est la ville idéale pour acheter et ensuite revendre ces articles. Les agences qui organisent des tours dans la jungle sont de bons repreneurs.Nous avons calculé qu'en tout et pour tout, le périple nous a coûté environ 70 $US par personne pour une durée de huit jours - En Incluant les nombreuses cervezas bues à Alao ! Pour le même prix, vous ne pouvez vous offrir que deux jours d’excursion dans la jungle équatorienne...

 

Quelques adresses pratiques

A Quito, la capitale, il faut citer l’incontournable South American Explorers Club - Jorge Washington 311 y Leonidas Plaza. Ce lieu est pratique pour trouver plus d’informations ou rencontrer d’autres personnes pour agrandir votre équipe. Le staff n’est malheureusement pas très sympathique avec les non-membres. Qu’à cela ne tienne, une taupe membre du club peut faire les recherches à votre place si comme moi vous ne voulez pas payer les 40 $US annuel de cotisation !

Si vous aimez les cartes, l’Instituto Geográfico Militar (IGM) de Quito, situé sur une colline à l’est du parc El Ejido, pourra vous en fournir. A l’échelle 1:50.000, deux cartes sont nécessaires pour couvrir tout le trajet. La première s’intitule "Llactapamba de Alao" et la seconde, "Volcán Sangay". Mais je le répète encore une fois, ces cartes sont intéressantes pour visualiser le chemin que le guide emprunte. En aucune façon elles ne vous fourniront assez d’informations pour vous passer de ce dernier.

Pour résider à Baños dans le cas d’un entraînement au Tungurahua ou par goût du thermalisme, je vous conseille vivement la résidence Angely - Alfaro 553 y Ambato. C’est propre et les gérants sont très sympatiques. Et comme la nuit ne coûte que 7000 sucres par personne !

Si vous cherchez un guide sérieux et compétent pour vous donner des informations sur l’état du Sangay ou pour gravir d’autres volcans plus techniques comme El Altar ou le Chimborazo, le guide Marcelo Puruncajas - Colón 22-25 y 10 de Agosto, tél. 940 - 964. à Riobamba est l’homme qu’il vous faut. Il a aussi du matériel de montagne qu’il peut vous louer.

Enfin il y a aussi votre serviteur qui peut dans la mesure du possible répondre à vos questions. Mon adresse e-mail est : franschi@rocketmail.com. Je me ferai un plaisir de vous aider. Je serais également très content de recevoir vos commentaires, vos critiques ou les dernières nouvelles concernant d’éventuels changements du volcan à l’adresse suivante : François Panchard, Rue de la Blantzette 8, 1967 Bramois, Valais, Switzerland, Europe.

 

Conclusion

Il y a plusieurs manières d’aborder une virée au Sangay. Nous autres représentents de la culture occidentale sommes bien souvent obsédés par les informations d’ordre technique ou autres statistique - dans ce sens, voici une dernière salve de chiffres : aller au Sangay c'est six à neuf jours d'effort, plus de 60 km en distance, 24 heures de marche pour aller au sommet et 18 heures pour y revenir - qui selon notre conception des choses sont nécessaire à l’organisation d’une pareille aventure. C’est notamment le principal but de ce rapport.

Maintenant que vous avez l’esprit libre de tous soucis de ce genre, j’espère que tout au long du parcours vous saurez ouvrir grand vos yeux et vos oreilles, que vous laisserez vagabonder votre âme au-dessus des collines et des ruisseaux. Car s’engager sur la route du Sangay ressemble à un voyage initiatique. Entrer dans le petit club des gens qui ont gravi cet inquiétant cône s’accompagne d’un sentiment merveilleux. Si le parcours n’a rien d’une promenade de santé, il n’est pas cependant réservé à une élite d’aventuriers de l’extrême !

Une solide motivation et une bonne entente dans votre équipe seront les meilleures garanties de succès. Je ne mentionnerais pas une fois de plus l’organisation, car si vous suivez les conseils que je viens de vous donner, l’affaire est dans le sac !

Bonne chance quand même !