Le Tungurahua est sans aucun doute le plus connu dentre eux. Il est dun accès facile puisquil domine la ville thermale de Baños. Beaucoup dagences dailleurs se proposent de vous organiser lascension pour quelques dizaines de dollars us. Cest une très jolie course que je qualifierais de ballade de haute montagne. Dans loptique de gravir dautres volcans plus haut comme le Chimborazo (6310 m) ou le Cotopaxi (5911 m), cest un excellent exercice dacclimatation. Ne représentant aucune difficulté technique majeure, le sommet devrait, si le temps est clément-ce qui est malheureusement assez rare - livrer un des 360° les plus saisissants de la planète puisquon peut y admirer la plupart des volcans équatoriens. Nous avons eu la chance de distinguer Los Altares, le Chimborazo, le Cotopaxi, l'Iliniza et bien sûr, le Sangay !
Los Altares paraît être un immense volcan dont le cratère démesurément grand se serait fendu à la suite dune gigantesque explosion. Vu du Tungurahua, cela ressemble à une immense chaîne de montagnes. Son accès est beaucoup plus difficile et la grande quantité de glace que son sommet retient interdit son ascension à quiconque qui ne jouit pas dune bonne expérience de la montagne.
Le Sangay a un air de famille avec le Tungurahua ou le Cotopaxi. Comme eux, il a cette forme conique et bien régulière. Mais les points communs sarrêtent là. La première grande différence concerne lactivité du volcan. Les deux premiers sommeillent ; ne demeure qu'une activité géothermique réduite. Il y a juste quelques trous où s'échappe de la vapeur près du sommet du Tungurahua. Le Sangay par contre est un volcan turbulent. Loin datteindre les proportions décrites dans les rapports vieux de cinq ans, lactivité volcanique du Sangay est tout à fait impressionnante. Vous qui navez encore jamais entendu une montagne hurler ou vu un cratère cracher dimpressionnants panaches de fumée, réjouissez-vous car cest le genre de spectacle que le Sangay vous propose plusieurs fois par jour.
Se sentir si proche des entrailles de la terre est une expérience inoubliable. Et depuis quelques années maintenant, le volcan est toujours menaçant, rarement dangereux. Les rapports que nous avions en notre possession faisaient état de manifestations volcaniques si intenses par le passé qu'il fallait beaucoup de chance et un brin de folie pour réussir le sommet. "Le volcan crachait des blocs gros comme des voitures" ou "Nous vous conseillons de vous munir d'un casque et d'un bouclier pour gravir le sommet" sont les informations les plus éloquentes que nous avons lues à ce propos ! Désolé pour ces personnes à tendance suicidaire, cette époque est semble-t-il révolue. Le Sangay est aujourd'hui plus sage. Il n'empêche qu'il faut rester vigilant car si le géant décidait de se réveiller alors que vous lui chatouillez le dos, vous risqueriez bien d'allonger la liste de ses victimes.
La deuxième grande différence concerne l'accès au volcan. Au Tungurahua ou au Cotopaxi, un véhicule peut vous emmener très haut sur les flancs de la montagne. Au Sangay, rien de cela puisque le pied du volcan est à trois jours de marche du plus proche village, Alao. A vol d'oiseau et en ligne droite, cela représente 21 km environ. Si l'on considère les courbes empruntées par le chemin, 35 km est un chiffre plus proche de la réalité. Autrement dit, le Sangay se mérite ! N'y va que celui qui est prêt à endurer six à neuf jours de marche dans des conditions particulières sur lesquelles je reviendrais plus tard.
L'attrait du Sangay tient dans le mystère qui l'entoure. Très peu de photographies sont disponibles contrairement à tous les autres sommets équatoriens. De plus, il est très souvent caché par des brumes qui l'entourent. Il se peut donc que vous l'entendiez avant que vous ne le voyiez. Et lorsque soudain il vous apparaîtra pour la première fois, vous risquerez à votre tour d'être subjugué par le spectacle du volcan dominant la jungle de toute sa grandeur. La régularité des formes et la blancheur de la neige sommitale accentue l'impression de force qu'il dégage.
Lattrait du Sangay est un mélange de danger, d'inédit - seule une septentaine (70) de personnes par année gravirait le Sangay - et d'aventure. Si vous aimez ces ingrédients et que vous ne rechignez pas à l'effort, alors le Sangay est pour vous.
Il est théoriquement possible de gravir le Sangay toute l'année. Théoriquement car l'accès au Sangay est tributaire du temps. Juin-juillet-août est la période la moins propice. Il y a tant de précipitations durant ces mois que la marche d'approche est une véritable opération commando. Disons que si vous avez fait la guerre du Viêt-nam ou que vous sortez fraîchement du centre de formation de la Légion Etrangère en Guyane, alors pas de problème ! Une grande partie du chemin est une infâme succession de trous remplis de boue. Beaucoup de pièges de la sorte vous attendent le long de ces sentiers. Ce sont en fait les mammifères présents dans le parc qui sont responsables du piteux état des chemins : leurs sabots défoncent le mince tissu végétale qui recouvre le sol gorgé d'eau et ces véritables pièges de boue apparaissent. Choisir la meilleure période est pour cette raison vivement conseillé. Les mois de décembre à février correspondent à l'époque la plus sèche et donc la plus recommandable de l'année. Si par contre le phénomène du Niño devait durer, il serait sage de se renseigner sur son influence qui peut être bonne ou mauvaise dans la région. Mais attention, El Niño accentue encore la formidable incertitude que les Equatoriens ont à propos du temps !
De Quito, il faut prendre la route qui passe par Saquisili-Ambato-Baños-Riobamba. Le plus simple est de monter dans un bus qui va à Baños - 4 heures, 2.20 $US. De là, un autre bus vous conduira à Riobamba -1 heure, 0.80 $US. Notez que Baños est bien plus sympathique que Riobamba et que l'on y trouve plus de choix dans les commerces.
Il y a ensuite plusieurs façons d'organiser un transport jusqu'à Alao. Pour ceux qui ont beaucoup d'argent mais peu de temps, prenez un taxi - deux heures, environ 20 $US.. Les autres, rendez-vous sur le "Parque Libertad" , le mercredi, vendredi ou samedi vers 1100 1200. Il y a un service de bus qui relie Riobamba à Alao ces jours-là - quatre heures, 1.20 $US. Si il ne pleut pas, il est conseillé de voyager sur le toit. La vallée qui mène à Alao est très pittoresque. De plus, en voyageant sur vos sacs, vous éviterez de vous faire voler vos lampes frontales comme ça nous est arrivé ! Il y a une troisième solution qui consiste à prendre un camion de lait vers 0400 - 0500 du matin en face de luniversité de Riobamba !
Pour le logement à Alao, pas de problème. Les bureaux de lINEFAN - l'organisation qui s'occupe de la gestion du parc - à lextrème-est du village peuvent vous accueillir moyennant une petite somme soit environ 1.20 $US par personne et par nuit. Il y a la possibilité de cuisiner et même de se laver. Prendre le bus du samedi est une bonne idée car les bureaux sont vides le week-end. Vous serez donc plus à laise pour passer un ou deux jours dans cette bourgade quelque peu sordide.
Le dimanche, vous ne devriez pas le passer à invoquer la clémence du Créateur pour faire briller le soleil mais bien à chercher un guide qui connaît le chemin du volcan. Il y a à Alao une compagnie de guides qui regroupe une trentaine de personnes capables de vous enseigner le chemin jusqu'à la base du volcan. Trois dentre eux seulement peuvent vous guider jusquau sommet. Il sagit de son président, Roberto Caz Quillay, et de ses deux neveux, Carlos Caz Quillay et Agostino Baño. Roberto est un honnête homme dune quarantaine dannée qui pourrait retrouver le chemin du volcan les yeux bandés puisquil a gravi le Sangay pour la trente-neuvième fois avec nous et quil a atteint le camp de base appelé "La Playa" une bonne centaine de fois! Discret et serviable, sa mémoire est pleine d'anecdotes incroyables à propos du volcan. Il est sans aucun doute le meilleur guide d'Alao en regard de sa longue expérience. Il vit de l'autre côté du Rio Alao, sur la rive gauche, la partie ouest du village. Si il n'y a pas de travaux pressants aux champs, Roberto peut être prêt assez rapidement. Très professionnel, il vous fera signer un contrat qui rappelle les quelques règles élémentaires à respecter quand on pénètre dans le parc. Il est notamment stipulé qu'il est interdit de chasser quelconque animal du parc, le tapir en particulier. Son tarif était de 10 $US par jour et ce pour tout le groupe. Un minimum de six jours est à payer, plus, bien entendu, sa nourriture.
Je vais énumérer, dans un ordre décroissant d'importance, les choses indispensables à la réussite de votre expédition.
Cela peut peut-être vous paraître bizarre, mais la chose la plus importante à prendre est une bonne paire de botte en caoutchouc. C'est la Rolls des chemins boueux, la seule chaussure capable de résister à un terrain si détrempé. Ce n'est évidemment peut-être pas la plus agréable à porter mais vous n'avez pas le choix. Un bon truc pour éviter de terminer la virée avec les mollets râpés jusqu'au sang consiste à porter un collant à l'intérieur. Le pantalon, lui, recouvre la botte et évite la boue d'y pénétrer.
Un large poncho contre la pluie est aussi indispensable. Les modèles suffisamment larges pour couvrir également le sac sont les plus pratiques. Veillez à ce que le tissu du poncho soit de qualité car vous pourriez regretter amèrement d'avoir essayé d'économiser un peu d'argent sur cet article.
Je suis sûr qu'a ce stade du récit vous devinez comme une sorte d'humidité ambiante et permanente sur le chemin du Sangay ! Bingo, vous avez tout juste ! Pour éviter de passer une semaine avec des habits mouillés ou même humides, il est vivement conseillé de garder avec soi quelques habits de rechange. Il faut préférer le synthétique aux matières naturelles comme le coton. Les t-shirts dits thermos sont ce qu'il y a de meilleur à porter car ils sèchent extrêmement vite. Il faut également protéger ses affaires personnelles dans des sacs en plastique séparés. Noubliez pas que les nuits sont plutôt fraiches et quil faut donc prendre des habits chauds en conséquence. Le jour de lascension nécessite également que vous emmeniez une veste capable de vous coupez du vent.
J'en reparlerai quand j'aborderai le problème de la nourriture, mais la présence d'un réchaud performant - le XGK-II de MSR que l'on peut acheter à Quito ou louer à Baños est un bon exemple - de fuel en quantité - 4 litres pour 5 personnes - et dune grande casserole est indispensable. Vous ne pouvez pas vraiment compter sur le bois pour cuisiner car ce dernier est le plus souvent trop humide pour faire du feu.
Une tente est également vivement conseillée. Lidéal est de posséder ou de louer des tentes de grandeur moyenne (2-3 places) car il ny a pas de grandes surfaces pour les poser. Tâchez également de trouver des modèles légers. Comme vous avez la possibilité de dormir dans une chosas, un genre de grande hutte faite de paille, vous naurez besoin de celles-ci que pour un soir, la deuxième nuit à Yanayaku. Porter plusieurs jours durant une tente encombrante et lourde risque de vous agacer à la longue... En tout cas, ne comptez pas trop sur les tentes de Roberto : ce sont des épaves que d'anciens clients lui ont laissé et ces dernières ont plus de trous que de toile !
Prenez également avec vous une paire de gant. Celle-ci doit être suffisamment solide pour ne pas se déchirer au contact de la roche volcanique ou des herbes coupantes. Il faudra également que les gants vous protègent du froid et de la neige !
Enfin, ne faites pas comme nous : prenez une bonne paire de lunettes de soleil pour vous protéger de l'intense rayonnement qu'il y a sur les pentes enneigées du Sangay. Cet oubli nous a coûté cher : deux d'entre nous ont souffert d'ophtalmie assez aiguë qui nous ont valu un jour de repos forcé. Et croyez-moi, ce genre de désagrément est extrêmement douloureux !
Il ny a pas quun chemin qui mène à La Playa. Il y a deux itinéraires principaux. La première possibilité consiste à prendre une route plus au sud qui passe par Eten-Plaza Pampa-Yanayacu-La Playa. Cest un chemin que je ne connais pas. Mais je sais par contre quil a lavantage dêtre plus sec et donc empruntable par des chevaux et des ânes que vous pouvez louer à Eten, une hacienda située à deux heures de 4x4 de Alao. Un certain Manuel Abarca peut vous mettre sur pied une expédition utilisant le transport animal., du moins jusquà Yanayacu. Aller au-delà de ce point met en péril la vie des animaux et endommage le chemin déjà dans un piteux état. Sachez également que cet itinéraire est beaucoup plus long que celui que nous avons emprunté.
Lautre chemin passe par Alao-Pampa Culebrillas-Yanayacu-La Playa. Ce parcours nous a pris trois jours à laller et deux jours au retour. Voici brièvement ce qui vous attend le long de cette superbe promenade :
a. Laller
Jour 1 : Alao-Pampa Culebrillas, 8 heures - durée moyenne du parcours incluant des pauses d'une durée raisonnable - 16 km - la distance à vol d'oiseau sur la carte -- + 860 m / - 740 m - dénivelé positif et négatif cumulé. Après une bonne heure à longer presque à plat le Rio Alao, un chemin quitte la route sur la droite. De 3250 m, ce sentier, très boueux dans sa partie initiale et finale, vous emmène jusquà un col vers 4050 m. Il faut compter environ quatre heures pour atteindre le col. De là, le chemin ne cesse de descendre jusquà Pampa Culebrillas. Il vous faudra encore marcher trois bonnes heures pour dévaler les 700 mètres de dénivelé. Pampa Culebrillas est un grand champ protégé par un grand fossé. Il y a deux chosas qui savéreront très confortable si vous prenez la peine de refaire la litière de paille. Notez quil faudra tenir compte le premier jour de plusieurs éléments qui ralentiront méchamment votre allure. Vous devrez apprendre à marcher dans la boue, à supporter les bottes, à choisir le meilleur passage... Ajoutez à ça un gros sac très lourd, vous comprendrez pourquoi on ne court pas sur la première étape. Mais si vous avez autant de chance que nous, vous pourrez admirer le volcan le premier jour déjà, depuis le campement. Et si la visibilité nest pas au rendez-vous, vous vous consolerez en lentendant mugir !Jour 2 : Pampa Culebrillas-Yanayacu, 5 heures, 6 km, + 420 m / - 280 m. Alors que tous les rapports en notre possession décrivait une route tortueuse qui senfonçait tout droit dans la forêt, traversant pas moins de 14 rivières, nous avons avec Roberto pris un autre chemin plus récent et plus évident. La journée démarre fort avec un chemin qui part sur la droite de la vallée, avalant littéralement le talus jusque vers laltitude de 3750 m. Comptez deux heures pour atteindre ce point. De là, il ny a plus vraiment de tracé. Il faut simplement suivre un petit ruisseau qui sera votre cauchemar pendant plus de trois heures. Le campement de Yanayacu est non loin de lendroit où se rencontrent plusieurs rivières (altitude : 3500 m environ). Contrairement aux deux autres campements, Yanayacu est dépourvu de chosa. Il faut donc que vous emmeniez impérativement une tente pour cette nuit-là. Lautre alternative est de faire Pampa Culebrillas en une journée de marche. Avec un sac encore très lourd cela vous demandera un terrible sacrifice. Lexercice est réservé aux forçats de la route.
Jour 3 : Yanayacu-La Playa, 4 heures et demie, 7 km, + 500 m / - 400 m. Cest le dernier jour où vous chantonnerez lair bien connu : " Vamos a la playa, oh, oh-oh-oh ! ". Je le parie déjà, lidée de fouler lendroit vous comblera de bonheur. Mais avant de prendre possession dudit lieu, il faudra encore que vous irritiez un peu plus vos mollets avec les bottes de jardinier ! Le chemin se faufile entre de très hautes herbes sur le fil dune grande colline herbeuse. A laltitude de 3750 m, le chemin oblique brusquement à gauche. Pour ces deux dernières heures de marche de la journée, le chemin prend des allures de montagnes russes : il faut traverser trois rivières qui sont séparées par des talus herbeux. Vous serez, jen suis sûr, très content dêtre accompagné dun gars comme Roberto pour ne pas vous perdre dans ce labyrinthe naturel ! Ahhhh ! La Playa ! Un grand plat coincé entre deux rivières. Retour au luxe : une somptueuse chosa qui deviendra rapidement votre résidence secondaire a été bâtie pour votre confort ! Cette maison de paille est assez grande pour loger une dizaine de personnes au maximum.
b. Le retour
Jour 7 : La Playa-Pampa Culebrillas, 8 heures et demie, + 680 m / - 920 m. Les sacs devenant de plus en plus légers, il est possible en une grande journée de faire ce qui vous avez pris deux jours à laller. Je dois préciser quand même que nous avions bénéficié dun repos forcé la veille et que le temps avait été très clément ce jour-là, rendant beaucoup plus aisée la remontée du ruisseau après Yanayacu. Raccourcir dun jour la promenade est donc possible si vous êtes prêts à bien marcher ce jour-là.Jour 8 : Pampa Culebrillas-Alao, 6 heures 45, + 740 m / - 860 m. Quel plaisir de refaire cette portion avec les sacs si légers. Lappel de la civilisation avec ses femmes et ses cervezas sera une motivation supplémentaire pour ne pas moisir dans le Parc ! Attention toutefois aux brusques changements de temps qui peuvent transformer une paisible rivière en un torrent impétueux ! Impressionnant ! Je parle dexpérience vécue car après la clémence de la veille, les éléments se sont déchaînés le dernier jour, rendant la retraite un peu plus périlleuse et difficile.
Avant de parler de lascension proprement dite, il faut que jaborde un sujet dune importance capitale, je veux parler de notre carburant : la Bouffe.
La quantité de vivres que vous emmènerez avec vous dépend du nombre de jours qui vous sera nécessaire pour faire la boucle. Un programme raisonnable est le suivant : trois jours pour aller, un jour de repos, un jour pour lascension et deux jour pour rentrer soit sept jours en tout. Il sagit dun horaire normal, sans contretemps dus à une météo capricieuse par exemple. Cest là toute la difficulté : bien évaluer le temps que vous prendra le tour en ne connaissant pas des variables comme la météo ou votre habileté à marcher dans la boue ! Il est cependant probable que vous deviez attendre quelques jours à La Playa pour faire le volcan avec une bonne visibilité. Cest pour cette raison que vous devriez prendre suffisamment de nourriture pour neuf jours. Avec une telle quantité, vous serez normalement tranquille. Cest lassurance de partir à lassaut du volcan avec des conditions météorologiques acceptables puisque vous avez la possibilité dattendre pendant quelques jours sil le faut le moment propice. Un bon conseil : ne soyez pas avares avec les quantités car vous mangerez comme des ogres. Au retour de l'ascension, nous avons par exemple mangé 1 kilo 800 g de riz à cinq et ce, sans forcer ! Marcher dans la boue avec un gros sac sur le dos nest pas ce que lon a inventé de plus fun. Alors si en plus vous mangez mal...
En matière de vivres, nous avons vraiment bien assuré. Voici quelques conseils que je peux vous refiler daprès notre expérience :
Le point crucial pour réussir lascension est le problème des conditions météorologiques. Le but étant bien entendu darriver au sommet avec une visibilité acceptable. Dès votre arrivée à Alao, il faut scruter le ciel pour tenter de comprendre les règles qui régissent le temps quil fait dans la région.
Le parc national du Sangay est une immense forêt tropicale. Cette abondante végétation dégage beaucoup dhumidité. Il est en fait très rare quil ne pleuve pas tout au long dune journée. En général, le jour se lève sur la forêt noyée dans le brouillard. Puis le soleil dissipe ces brumes matinales. En quelques heures, cette formidable évaporation charge le ciel de nuages qui se déchirent dans laprès-midi midi et arrosent copieusement tout ce qui se trouve en dessous.
Mais cette règle connaît pas mal dexceptions ! Ce quil faut comprendre, cest le rôle du soleil dans le cycle de leau. Sous ces latitudes, lévaporation est permanente. Elle est moins forte la nuit que le jour mais elle ne sinterrompt pas pour autant. Le soleil a un cycle de 24 heures tandis que celui des averses est un peu plus court. J'entends par là que le cycle du soleil dure 24 heures alors qu'en moyenne il pleut plus d'une fois durant ce même laps de temps.Cest pour cette raison que vous devez tenter dévaluer dans quelle phase se trouve le cycle de lévaporation. Gardez à lesprit quil y a à lest du volcan des dizaines et des dizaines de kilomètres de jungle. Le vent souffle presque tout le temps de là amenant de nouveaux nuages.
Le régime que nous avons constaté pendant plusieurs jours était linverse de lhabituel : au lever du jour, latmosphère terminait de se charger dhumidité. La visibilité nétait pas idéale le matin et il commençait à pleuvoir vers 1100 déjà. A partir de 1500, le plafond de nuages faisait place à un ciel bleu limpide. Dans un tel cas alors, il est sans doute préférable de ne partir que vers 0900 pour fouler le sommet en milieu daprès-midi. Vous aurez droit alors à un fabuleux panorama que vous aurez bien mérité après avoir marché environs six heures dans la pluie et la neige ! Surtout que vous attendent plus de trois heures de descente et ce à la tombée de la nuit !
Lidéal se profile souvent quand un orage éclate au milieu de la nuit. Plus il est violent et plus vous aurez de chance de rencontrer au matin un ciel limpide car déchargé de toute humidité. La bonne tactique est donc de parti au milieu de la nuit, vers 0100-0200 alors que la pluie na pas tout à fait encore cessé. Cest un risque à prendre, mais il peut savérer payant.
Quoi quil en soit, la météorologie est une science exacte nulle part dans le monde et encore moins en Equateur en période de Niño ! Pour voir quelque chose du sommet il vous faudra au préalable de lobservation et un coup de pouce de dame chance !
Si vous avez la chance de choisir le bon moment pour partir à lassaut du Sangay, le plus dur aura déjà été réalisé. Le volcan ne comporte aucune difficulté majeure. Certes vous ressentirez les effets de la haute altitude car le sommet est tout de même à 5230 mètres au-dessus de la mer mais à part ça, rien de spécial à signaler. Nous avons longtemps hésité à prendre du matériel technique - piolet, crampons, chaussures de montagne, casque de protection.... Mais après avoir fait le Tungurahua en baskets avec un bâton de bois en guise de piolet, nous nous sommes dits que les conseils des agences daventure leur servaient surtout à louer du matériel de montagne. Bien nous en à pris puisque nous avons tous fait le sommet en bottes de caoutchouc et bâton de berger ! Seul Roberto portait un casque de protection, vestige dune époque où le Sangay crachait fréquemment des projectiles. Un rapport faisait état dune pente qui oscillait entre 45° et 50°. En réalité, cest une pente très régulière entre 30° et 35°, jamais plus. L'impression sur le terrain est d'ailleurs confirmée par la carte. Pour les habitués de lalpinisme et des montagnes en général, il sagit dune pente à faible déclivité. Le fait que lon rencontre de la neige vers 4700 mètres facilite la fin de lascension. Cette limite monte et descend. Alors qu'elle est assez basse le matin, elle remonte de plus de 200 mètres d'altitude durant la journée.Et il est plus facile de faire des marches dans la neige que davancer dans de la cendre volcanique où bien souvent on avance dun pas et recule de deux ! En terme dhoraire, comptez 6 bonnes heures pour lascension et à peine 3 heures pour la descente.
Lintérêt du sommet du Sangay est inversement proportionnel à la difficulté de lascension. Ce nest pas une grande colline que vous gravirez mais bien un volcan actif. Vous naurez pas à vous plaindre de votre taux dadrénaline. Il y a trois cratères bien définis au sommet. Le premier, celui du sud-ouest est très régulier et mesure approximativement 100 mètres de diamètre. Quand nous sommes passé, il semblait profondément endormi. Le suivant par contre, au nord est de celui-ci était bien réveillé : ses flancs étaient si chauds quils fumaient constamment. Et toutes les heures, dans un fracas impressionnant, il se mettait à cracher gaz et cendres qui sélevaient brusquement sur plusieurs centaines de mètres. Le sommet est assez agréable car la chaleur dégagée par les cratère fait fondre la neige. Le sol est très chaud par endroit ce qui rend possible une longue attente si vous voulez vivre de près une de ces mini-erruptions. Un moment inoubliable car au son terrifiant - pareil au Dragon de la Montagne dans "Bilbo le Hobbit" - et à limage inquiétante - de gros panaches de fumée blanche s'échappent avec une grande vélocité - se mêlent les tremblements de la terre. Un de ces moments où vous prendrez conscience de la puissance des événements naturels.
Ne partez surtout pas sans guide !
Je veux particulièrement insister sur ce thème 3 raisons : pour votre sécurité, pour pénétrer mieux la culture du pays et pour aider au développement de léconomie dans la vallée, à Alao en particulier.Un guide est indispensable pour votre propre sécurité. Les chances de vous perdre le deuxième jour déjà sont très grandes. De Pampa Culebrillas à La Playa, il y a très peu de kilomètres à vol d'oiseau. Le relief est par contre très accidenté et la végétation très dense. Toutes les collines se ressemblent et vous empêchent de voir le volcan, votre point de repère. Pour couronner le tout, d'épaisses brumes peuvent s'abattre en quelques minutes, rendant toute orientation impossible pour le néophyte que vous êtes. Pour le guide, pas de problème car eux ont un sixième sens que vous ne possédez pas.
En résumé, vous avez plus de chance de gagner le jackpot au loto que d'atteindre La Playa sans guide. Ce n'est pas les deux amis belges que nous avons rencontrés juste avant notre départ qui vont nous contredire. Après quelques pas dans la forêts, ces derniers se sont logiquement perdus pendant quelques heures, errant entre les hautes herbes et les nombreux ruisseaux. Il nous ont assuré que cette sensation ne fut pas la plus agréable de leur existence.
Il se peut aussi que le mauvais temps s'installe pour de bon, faisant tripler le volume des rivières. Vous serez alors bien contents d'être accompagné de quelqu'un qui connaît les gués ou, au contraire, les passages où il n'est pas nécessaire de traverser les torrents.
Etre accompagné d'un guide, c'est également apprendre à connaître la culture du coin. Pour autant que vous parliez quelques bribes d'espagnol - à moins que vous ne maîtrisiez le Quechua, ce qui m'étonnerait fort - et que vous manifestiez quelque intérêt pour les anecdotes en tout genre, votre guide se révélera une source intarissable de petites histoires sur les animaux et la flore du parc. Le chapitre de la bêtise des touristes est sans doute le plus long et le plus drôle !
Enfin en payant quelques dollars par jour les service d'un guide, vous contribuerez à l'essor économique de la vallée. Ce n'est pas grand chose pour vous et pourtant dix dollars par jour est une somme considérable pour un paysan équatorien. Si vous vous sentez donner plus, n'hésitez pas. Les cadeaux en tout genre sont très appréciés. Un couteau suisse, une lampe frontale ou un réchaud par exemple. Et simplement le fait de leur faire parvenir les photos de l'expédition est un geste qui comblera les indigènes.
Par contre, il faut éviter de trop payer le service du guide. Ce n'est pas bien pour vous et encore moins pour eux. En le faisant, vous déstabiliserez complètement le marché local. Si guider des touristes rapporte dix ou vingt fois plus que de travailler aux champs, vous pouvez facilement vous imaginer le tort que vous ferez à léconomie locale en payant ce service trop cher. Sachez simplement qu'il est tout à fait normal de marchander les prix en Equateur. Nous avons payé 40'000 sucres par jour pour tout le groupe ce qui est tout à fait raisonnable. A cette époque, un dollar US valait environ 4200 sucres au départ et 4360 sucres à l'arrivée !
Résumons brièvement les dépenses :
Ce total de 920'000 sucres représente environ 220 $ us. Divisé par quatre, cela fait un peu plus de 50 $ soit à peine 7 $ par jour ! Une gestion communiste chinoise, c'est à dire de nombreux participants se partageant tous les frais, est la solution la plus économique !
Quelques autres dépenses sont à signaler :
A Quito, la capitale, il faut citer lincontournable South American Explorers Club - Jorge Washington 311 y Leonidas Plaza. Ce lieu est pratique pour trouver plus dinformations ou rencontrer dautres personnes pour agrandir votre équipe. Le staff nest malheureusement pas très sympathique avec les non-membres. Quà cela ne tienne, une taupe membre du club peut faire les recherches à votre place si comme moi vous ne voulez pas payer les 40 $US annuel de cotisation !
Si vous aimez les cartes, lInstituto Geográfico Militar (IGM) de Quito, situé sur une colline à lest du parc El Ejido, pourra vous en fournir. A léchelle 1:50.000, deux cartes sont nécessaires pour couvrir tout le trajet. La première sintitule "Llactapamba de Alao" et la seconde, "Volcán Sangay". Mais je le répète encore une fois, ces cartes sont intéressantes pour visualiser le chemin que le guide emprunte. En aucune façon elles ne vous fourniront assez dinformations pour vous passer de ce dernier.
Pour résider à Baños dans le cas dun entraînement au Tungurahua ou par goût du thermalisme, je vous conseille vivement la résidence Angely - Alfaro 553 y Ambato. Cest propre et les gérants sont très sympatiques. Et comme la nuit ne coûte que 7000 sucres par personne !
Si vous cherchez un guide sérieux et compétent pour vous donner des informations sur létat du Sangay ou pour gravir dautres volcans plus techniques comme El Altar ou le Chimborazo, le guide Marcelo Puruncajas - Colón 22-25 y 10 de Agosto, tél. 940 - 964. à Riobamba est lhomme quil vous faut. Il a aussi du matériel de montagne quil peut vous louer.
Enfin il y a aussi votre serviteur qui peut dans la mesure du possible répondre à vos questions. Mon adresse e-mail est : franschi@rocketmail.com. Je me ferai un plaisir de vous aider. Je serais également très content de recevoir vos commentaires, vos critiques ou les dernières nouvelles concernant déventuels changements du volcan à ladresse suivante : François Panchard, Rue de la Blantzette 8, 1967 Bramois, Valais, Switzerland, Europe.
Il y a plusieurs manières daborder une virée au Sangay. Nous autres représentents de la culture occidentale sommes bien souvent obsédés par les informations dordre technique ou autres statistique - dans ce sens, voici une dernière salve de chiffres : aller au Sangay c'est six à neuf jours d'effort, plus de 60 km en distance, 24 heures de marche pour aller au sommet et 18 heures pour y revenir - qui selon notre conception des choses sont nécessaire à lorganisation dune pareille aventure. Cest notamment le principal but de ce rapport.
Maintenant que vous avez lesprit libre de tous soucis de ce genre, jespère que tout au long du parcours vous saurez ouvrir grand vos yeux et vos oreilles, que vous laisserez vagabonder votre âme au-dessus des collines et des ruisseaux. Car sengager sur la route du Sangay ressemble à un voyage initiatique. Entrer dans le petit club des gens qui ont gravi cet inquiétant cône saccompagne dun sentiment merveilleux. Si le parcours na rien dune promenade de santé, il nest pas cependant réservé à une élite daventuriers de lextrême !
Une solide motivation et une bonne entente dans votre équipe seront les meilleures garanties de succès. Je ne mentionnerais pas une fois de plus lorganisation, car si vous suivez les conseils que je viens de vous donner, laffaire est dans le sac !
Bonne chance quand même !